Les Arlacais ne connaissent pas beaucoup cette large rue, frontière entre Mérignac et Bordeaux. Pour tous, on va au Tondu…
JBL « le p’tit curieux d’Arlac » – Can’arlacais n°12 – novembre, décembre 1997
La rue Francisco Ferrer a eu le rare privilège de changer quatre fois de nom : chemin de Lévy, puis rue Francisco Ferrer, rue Walter Poupot et de nouveau, rue Francisco Ferrer.
Douze échoppes étaient déjà construites en 1811, et sans doute bien avant dans le bourg de Lévy, bordées par une large allée à double rangée d’arbres, le chemin de Lévy -qui deviendra un siècle plus tard notre rue Ferrer- enjambant le ruisseau des Ontines qui a disparu aujourd’hui, couvert à l’emplacement de la voie desserte ouest (avenue de Peychotte), la cité d’étudiants et l’Ecole des infirmières.
On peut raisonnablement penser que le nom du chemin Lévy, avait été donné par le propriétaire de la toute proche Maison Carrée et d’immenses terrains, le banquier juif Peixotto, descendant de la Tribu de Lévy.
C’est à l’initiative de la municipalité de Bordeaux, qu’en 1927, l’allée mitoyenne entre les communes de Mérignac et de Bordeaux prend le nom de chemin Francisco Ferrer sans qu’on sache pourquoi.
Francisco Ferrer est né à Barcelonne en 1859. Il s’est très tôt manifesté comme anticlérical dans une Espagne très pieuse. En 1886, il prend part à l’échauffourée près de Madrid de républicains contre le Régime royaliste et, après l’échec, se réfugie avec sa famille à Paris. Francisco Ferrer avait toujours voulu répandre les idées rationalistes et combattre l’école catholique, la seule en Espagne, considérant qu’elle était propice à l’obscurantisme.
En 1901, ayant reçu un important héritage, il crée à Barcelone » l’Ecole moderne » nettement anticléricale où les enfants sont élevés dans le culte de la liberté, de l’égalité et de la science. Il crée également une maison d’édition qui publie des livres anarchistes. Aussi, en 1909, quand le gouvernement décide d’envoyer des soldats réservistes à la colonie espagnole du Maroc, que ceux-ci se mutinent et que l’émeute dégénère puisque des églises et des couvents flambent surtout à Barcelonne, les autorités soupçonnent immédiatement Francisco Ferrer d’avoir organisé la révolte et le procès ne traîne pas : condamnation et éxécution dans l’année. Mais réhabilitation, rapidement , en 1912.
Il n’était pas possible à l’Etat français, sympathisant du régime dictatorial du général Franco, de garder un tel nom pour une rue. Dès 1941, la rue est débaptisée en rue Walter Poupot, compositeur de musique à Bordeaux à la fin du siècle dernier et directeur de l’école publique et gratuite de musique dite Harmonie de Bordeaux.
Bien sûr en 1946, la voie redevient rue Francisco Ferrer.
Le pauvre Chemin de Lévy a bien changé : plus de rangées d’arbres, plus de bruissement du ruisseau des Ontines, plus de sources, plus de lavandières. A la place, depuis 1973, côté Bordeaux, l’Institut de formation aux carrières de santé que nous appelons Ecole des infirmières et depuis 1991, côté Mérignac, la cité d’étudiants du C.R.O.U.S. » Claire Fontaine » et beaucoup , beaucoup, beaucoup trop de voitures sur les trottoirs qui empêchent » le p’tit curieux d’Arlac » de flâner paisiblement.