Quelle idée d’avoir construit dans les années 40-50 une chapelle si petite que les familles ne purent toutes rentrer à la Noël 1951 comme nous l’avons vu dans notre précédent Can’Arlacais ! L’argent ? Sûrement
JBL » le p’tit curieux d’Arlac « – Can’arlacais n°14 – avril, mai, juin 1998
Trop petite ? Il fallait simplement allonger la chapelle au Nord, vers l’emplacement de la future église dont le tracé général avait déjà été établi par Henri Bessagnier, l’architecte de la chapelle. Le plan avait été conçu de façon à ce que chapelle et église, s’imbriquant habilement aient une partie commune,
Mais toujours pas d’argent !
Alors , une idée folle ! Les paroissiens allongeront eux-mêmes la chapelle en se transformant en maçons et en charpentiers.
C’est une cinquantaine d’hommes du quartier qui passeront leurs samedis et leurs dimanches à ce travail avec des matériaux achetés au fur et à mesure des disponibilités financières. Et par analogie avec un mouvement ouvrier sorti de l’A.C.O. le » Mouvement Castor « , en train de bâtir une immense cité à Pessac-Alouette, ils s’appelleront eux-mêmes, les » Castors du Bon Dieu « . Enthousiastes et peut-être téméraires, ils s’attaqueront bientôt à l’église elle-même, un édifice de 32 mètres de long, de 15 mètres de large et de 8 mètres de hauteur sous plafond, en montant rapidement les murs en parpaings jusqu’à 3 mètres de hauteur et… Plus rien dans les caisses !
Deux concours hippiques organisés par M. de la Raitrie, pour essayer de remplir les tiroirs amèneront trop peu d’argent…
Alors le curé Fabre, se prenant pour un moine moyenâgeux, partit prêcher et quêter jusqu’à Lille et Cannes, ce qui permit de redémarrer le chantier et même embaucher deux ouvriers, c’était un chantier immense : 2000 parpaings à fabriquer et à monter, 16 000 tuiles à poser.
Mais le chantier fini, il restera quelques imperfections, comme l’acoustique ; les sons sont trop assourdis par les plaques fibreuses nécessaires à l’isolement thermique et il aurait fallu compléter par une dissémination judicieuse de petites plaques de métal de 10 par 10 centimètres, par exemple, comme cela existe au plafond du théâtre du Pin Galant afin d’assurer la réverbération. La décoration intérieure est très simple : un chemin de croix réalisé par un ami des Beaux Arts de l’architecte, un peintre bordelais, Jean-André Lourtaud. C’est la Municipalité de Mérignac qui assura la voirie et le paysage.
Pentecôte 1954. La récompense pour tous : l’Archevêque, en présence du Maire et de tous ceux qui ont participé à la construction, coupe le ruban de l’entrée, tandis que la Batterie arlacaise anime le parvis. L’aventure de la construction de l’église ne s’arrêta pas là. Il fallu changer la charpente défaillante en 1972 pour celle que nous connaissons aujourd’hui en bois lamelle collé.
Il faut penser à tous les Arlacais qui y ont travaillé et que nous aurions pu croiser il y a quelques années. Le curé Fabre qui quitta Arlac pour aller à la Cité du Grand Parc à Bordeaux, l’architecte Bessagnier qui dirigea bénévolement les travaux, René Villenave comptable des Castors, Alibert, trésorier de l’Union paroissiale…
Outre cette construction, l’immense terrain qui appartenait au Diocèse a été disséqué pour être vendu, mais une grande parcelle a été réservée aux castors qui ont pu construire à moindre coût leur maison de part et d’autre de l’allée Villenave.
Une chapelle, une église, un foyer d’anciens, un centre socioculturel, une annexe poste et mairie, des habitations; c’est le résultat du travail des arlacais, du Diocèse, de la Municipalité… Pour notre vie de tous les jours.
(1 )Action catholique Ouvrière
(2) Jean André Lourtaud 1906-1980. Peintre de grand talent, figuratif ou abstrait suivant l’époque de sa peinture. Voir le livre « l’Ecole de Bordeaux, Trois abstraits, édité par le Conseil général de la Gironde en 1987. Long exposé illustré de Dominique Dussol.