JBL » le p’tit curieux d’Arlac » – Can’arlacais – n°1 – janvier, février, mars 1994
Verreries de Carmaux ? Verreries de Cognac et de Carmaux ? Saint-Gobain ? Pour les Arlacais, c’est la même chose : » La Verrerie « .
Faut-il remonter jusqu’au Chevalier Gabriel de Solages qui crée en 1754 à Carmaux, près d’Albi, une verrerie avec des verriers champenois pour rentabiliser ses mines de charbons ? Faut-il parler de Jaurès, Député de Carmaux et des verriers socialistes qui quittent la Verrerie Sainte-Clothilde de Carmaux pour fonder la verrerie ouvrière d’Albi en 1896 ? Non, restons à Arlac (1 ).
C’est en 1914, que le Président de la Société anonyme des Verreries de Carmaux, M. Rességuier. achète des terrains aux Echoppes d’Arlac (2) pour créer une verrerie, mais la mort du Président et la guerre arrêtent tout.
Ce n’est que partie remise puisqu’en 1922, un an après l’ouverture au trafic de marchandises du chemin de fer de ceinture de Bordeaux, un embranchement ferroviaire est réalisé pour desservir l’usine encore en sommeil. Les bâtiments s’élèvent, ainsi que les logements pour abriter le personnel.
Les verreries étant classées dans les » établissements dangereux, insalubres ou incommodes « , une enquête publique est nécessaire : elle donne un résultat favorable et l’arrêté préfectoral d’ouverture est signé le 22 mai 1930 (3), avec comme seule réserve l’alimentation en eau qui avait inquiété les voisins: rappelons qu’à l’époque, les habitants de la Fraternelle n’avaient que leur puits pour s’alimenter.
Ouf, favorable ! y compris l’avis du Maire, M. Saufrignon, propriétaire de la verrerie de Mérignac. Ouf , favorable ! car il semble bien aux souvenirs des anciens venant de Carmaux que l’usine ait commencé sa production en.. 1929. Pas d’ouvriers cueilleurs et d’ouvriers souffleurs à Arlac. Les bouteilles sont toutes fabriquées mécaniquement ou semi-mécaniquement pour les petites séries. Le mélange de sable, souvent pris dans l’enceinte même de l’usine ou alentours, de carbonate de soude venant de la région de Bayonne et de verre pilé de réemploi est mis en fusion dans deux fours chauffés dès l’origine au gaz fabriqué sur place (4) auxquels sera adjoint un troisième four dans les années 1950-1960. L’usine est une des plus modernes de France. En 1937, elle produit vingt-cinq millions de bouteilles.
Après la construction du troisième four, sa capacité de production est portée à 75000 cols, mais sa production réelle est d’environ 45000 bouteilles en trois teintes : noire, extra-claire et jaune (5). 1963, Catastrophe ! Sans que les raisons en soient très claires, la fabrication est arrêtée et une partie du personnel est mutée sur l’usine de Cognac ; il ne reste plus qu’un dépôt de bouteilles puis une fabrique de plastique, puis… Rien, sinon des ruines !
La présence des Verreries de Carmaux a été essentielle pour la formation du quartier d’Arlac où elles ont apporté une richesse certaine et une animation sans pareille . La verrerie, c’est 200 ouvriers sous la direction de M. Massoulard en 1956 (6) dont ceux de la production font les deux huit. Cela suppose un trafic intense de bicyclettes aux embauches et débauches, de nombreux cafés aux alentours pour des travailleurs de force : » chez Cône » rue Jules Michelet dont le patron est chauffeur à la verrerie, » au Panier Fleuri » dans la même rue et un peu plus loin , » chez Bergua » et » chez Lapierre » dans l’avenue Victor Hugo ou » aux Girondins » sur la place et bien d’autres. Des commerces alimentaires pour les ménagères et des fêtes, des bals, le dimanche.
Les Verreries ont été d’importants propriétaires terriens pour l’exploitation du sable hors de l’usine : Haut-Blanzac, terrains autour du centre paroissial Ste Bernadette… qu’elles ont revendu ensuite le plus souvent pour faire des logements.
Sans avoir une politique paternaliste comme beaucoup d’usines du début du siècle, elles ont su créer des liens avec le quartier : kermesses paroissiales sur leur terrain, envoi de dons au Secours National et au Bureau de Bienfaisance pendant la guerre, création d’un lavoir dans la Cité de la Verrerie, libre accès de leur terrain de foot aux deux associations sportives d’Arlac : le Football-Club Arlacais et les Ecureuils d’Arlac…
C’est pourquoi les vieux Arlacais pleurent toujours » La Verrerie « .
(1) – Les plus curieux pourront se reporter au livre de Scott, les Verriers de Carmaux, Ed.Flammarion Paris 1982.
(2) – Certains plans portent en effet comme adresse de la verrerie » Les Echoppes » ; sans doute un nom de lieu-dit, car la rue Marcel est dénommée à l’époque le » chemin rural des Echoppes « .
(3) – Archives communales de Mérignac Dossier 2J2 , registre d’enquête 1J6.
(4) – Opuscule édité par les Verreries de Carmaux daté du 20/12/l937.
(5) – Extrait du livre de Jean et Bernard Guérin: » Des hommes et des activités autour d un demi siècle « . Ed. B.E.B Lormont 1957
(6) – Voir note (5).